Le rêve américain est une source d’espoir pour les boomers qui, en localisant leurs rêves et en leur offrant des modèles idéaux, leur insuffle une force nouvelle. Cette Amérique, faite de clichés, peut prendre appui dans la réalité mais il en amplifie les traits, jusqu’à réinventer un pays plus grand que nature, mythique et miraculeux. Le Nouveau Monde, libérateur de la Seconde Guerre mondiale, a gardé, pour les européens, une image plus intacte que l’Europe meurtrie. Vu comme neuf et différent, il est la destination rêvée, mais difficile d’accès, pour ceux qui veulent changer de vie et « devenir quelqu’un ». Il pourrait peut-être même laisser apparaître l’homme nouveau. Mais les États-Unis sont loin d’être parfaits et le Français moyen nuance avec lucidité ces images, évoquant un pays affecté par des problèmes et remises en questions, qui sont souvent l’écho de ses propres interrogations et déceptions.
Le rêve américain, même si la réalité américaine le remet en question, reste une belle idée, une douce illusion attachée à un pays particulier, qui est envisagée, selon les cas, avec envie ou nostalgie. Il pourrait presque, finalement, exister sans l’Amérique, puisque l’imaginaire qui y est associé parvient à se développer hors des frontières du pays et à convaincre des personnages qui ne connaissent rien des États-Unis. Le pays qu’ils imaginent n’a pas besoin d’attaches trop solides dans la réalité pour continuer à jouer son rôle. Tous les pays ne pourraient, en revanche, pas l’interpréter de manière aussi convaincante. L’universalité des films hollywoodiens en est une illustration ; les personnages très différents qui y puisent des modèles, des références et des images y trouvent des éléments de valorisation du pays qui les a produits, sans pour autant acquérir de connaissance réelle et personnelle de cette patrie mythique. La survie, à l’inverse, des États-Unis sans l’appui du rêve américain, semble plus problématique, et la question de sa possible disparition conduit à des remises en question plus profondes. La force du rêve américain se trouve dans l’imaginaire des personnages, une notion qui est particulièrement valorisée par Gary ; les rêveurs, ceux qui gardent en eux une part d’enfance, sont les seuls qui peuvent parvenir à donner aux choses, et aux pays, une apparence plus grande que nature. À travers eux, le rêve américain peut continuer à entourer les États-Unis de son voile magnifiant, à laisser entrevoir un avenir qui sera peut-être, cette fois, conforme à ces images idéalisées. Le rêve américain accompagne la remise en question de la société américaine opérée tant par les Américains que par des personnages étrangers, et la vivacité qui apparaît dans ces remises en question entrecroisées est une nouvelle source d’espoir potentielle.