« Voici le joli mois de mai » : c’est une vieille chanson.
Oui, mais de quel genre de mai ? Car il est plus d’un mai et leurs chants sont kyrielle. Il serait d’ailleurs bon que quelque jour quelqu’un prenne la peine de les lister et les inventorier pour en distinguer les nuances et discerner les mythologies qu’ils dessinent.
Ce quelqu’un-là pourrait commencer par les chansons usuelles, celles qui célèbrent le mois du printemps. Avec bien sûr au premier rang les gentilles chansons de fleurettes qu’on fait apprendre aux enfants des écoles :

« Voici le mois de mai
Où les fleurs volent au vent, si jolies mignonnes
Où les fleurs volent au vent si mignonnement. »
Avec le fils du roi qui va les ramassant, qui en remplit ses gants et les offre à sa mie, chanson jolie d’amour fleuri.
Voici le mois de maiOù les fleurs volent au ventVoici le mois de maiOù les fleurs volent au vent
Où les fleurs volent au ventSi jolie mignonneOù les fleurs volent au ventSi mignonnement

Le gentil fils du roiS'en va les ramassantLe gentil fils du roiS'en va les ramassant
S'en va les ramassantSi jolie mignonneS'en va les ramassantSi mignonnement
Il en ramasse tantQu'il en remplit ses gantsIl en ramasse tantQu'il en remplit ses gants
Qu'il en remplit ses gantsSi jolie mignonneQu'il en remplit ses gantsSi mignonnement
A sa mie les portaLes donna en présentA sa mie les portaLes donna en présent
Les donna en présentSi jolie mignonneLes donna en présentSi mignonnement

Juste à côté encore, mais en symétrique mélancolique, les poèmes qu’on apprend plus tard, en grandissant, Prévert et son « mourir d’amour au mois de mai », ou Jaufré Rudel qui « en mai par les longues journées songe à son amour de loin »…
Puis, à l’opposé, il faudrait aussi inventorier, les chants du mois de mai révolté et tragique, celui de la Commune et de Chicago. Les chants du mois où le désir de vie bouillonne et se rebelle, mais où on le fauche à coups de sabres, on l’éventre au coutre des baïonnettes. Le mois dont « le soleil dore/ un gazon qui saigne encore/ sur le tombeau des fusillés ». Le temps des cerises mais des plaies ouvertes.
La liste est longue, si longue que pour si peu que vous l’effeuilliez elle vous donnera déjà moyen de passer quelques heures.
Donc j’abrège et je passe vers un autre mai : le « mai » qu’on plante, l’arbre de vie, de joie vitale. Le symbole en est parfois un rien bizarre, quand la plantation advient aux beaux jours, car chacun sait que les arbres ne se doivent pas planter après la sainte-Catherine. Mais anyway : le rite condense une mythologie immense, au moins aussi dense que le chromatisme des fleurettes fraîches écloses.
Ma prédilection d’aujourd’hui va vers une chanson qui associe les deux sortes de « mai », puisqu’elle dit à peu près :
« Voici le joli mois de mai
Où tout galant plante son mai. »
C’est une vielle chanson occitane et galante. Comme elle est occitane, elle a moultes variantes à proportion des variations de cette langue selon les régions. Et la variété se redouble évidemment quand on la traduit en français, selon les traducteurs et leur habileté. C’est pourquoi je disais à l’instant « à peu près » : ce n’est que ma traduction de la version de ma région. Anyway bis : la chanson dit donc, en son premier couplet :
« Voici le joli mois de mai
Où tout galant plante son mai.
Pour ma mie un je planterai
Que plus haut ne s’en trouverait.»
Et la suite dit — toujours « à peu près » — que le galant ayant ainsi planté son mai, il s’en est fait la sentinelle.